Cette histoire est celle d’une aventure de deux membres d’une guilde que peu de choses rapprochaient, qui ne se connaissaient pas vraiment et qui, s’ils avaient partagés leur entière histoire avec l’autre auraient été ennemis. Elle commença comme nombre d’histoires d’aventure. Par une quête. Une quête prise sur le tableau des missions de la guilde de Griffon Spirit, à Rosalia. Tiana, comme elle en avait pris l’habitude depuis la mort de Bob, dont elle ne parlait jamais, non tant parce qu’elle éprouvait encore du chagrin en pensant au fait que son ancien maître n’était plus mais bien en raison des circonstances de sa mort, était passée devant le tableau, tel un fantôme, le visage sombre, regardant le contenu des missions plutôt que la prime, ou la difficulté. Il s’agissait d’une mission à mener en groupe, car elle était relativement complexe. Toutefois pour elle, ce n’était pas un réel problème. Souvent, il fallait simplement approcher les choses autrement, plus subtilement, avec ruse et non de façon frontale. Toutefois, elle ne comptait pas abuser de trop. Ce n’était plus Bob qui la sermonnait gentiment, et insistait pour la voir améliorer son travail d’équipe -chose pour laquelle elle n’était pas spécialement douée et qu’elle fuyait autant que possible-. La mission n’étant pas réputée dangereuse, et se déroulant surtout dans une partie du pays où il lui serait possible de faire un petit détour pour acquérir le minerai nécessaire à la forge de nouvelles armes pour remplacer celle qu’elle avait perdu au fil des combats, elle alla voir l’un des membres de la guilde qui s’intéressait, en amateur, à la conception d’armes et armures magiques. Elles avaient certes tendance à connaître des dysfonctionnements, mais elle espérait qu’il est une approche des négociations commerciales plus diplomatiques que les siennes, et qu’il se montre utile pour évaluer la qualité de la marchandise. Et puis, il restait un choix honnête de compagnon de quête. Elle le trouva là où il se trouvait généralement : au service courrier de la guilde. Il ne semblait pas sur une tournée, et elle décida de l’approcher, silencieuse, ne se faisant remarquer dans son dos que par une légère toux, attendant qu’il se retourne pour prononcer quelques mots en lui mettant l’affiche sous le nez.

« Bonjour Masaki. Intéressé par une petite promenade ? »

Il n’y avait pas de sourire sur son visage. Elle n’était pourtant pas malaimable. Sa voix était invitante, mais elle n’était pas spécialement rassurante. Elle manquait de cette conviction, de cette force vive, de ce talent pour continuer de vivre dans la joie qu’avaient presque tous le monde ici. Elle lui laissa le temps de répondre avant de lui demander s’il était disponible pour ce qui était la deuxième raison de son choix.

« Et si nous avons le temps, je compte faire un petit détour pas loin pour commander du minerai. J’ai un peu d’armes à renouveler… Il paraît que tu bricole un peu donc tu dois être pas trop mauvais pour dégotter des bons prix ? »

Cette fois, il y eut l’ébauche d’un sourire, celui d’une tentative d’humour. Mais encore une fois elle n’était pas excellente. Elle était tout juste passable et faîte sans assurance qu’elle soit amusante. Tiana lui jeta un regard, bref, avant que celui ci ne se porte sur la salle et qu’elle ne tente de dissimuler une pensée bien sombre : faire équipe avec quelqu’un était il une bonne idée ? N’était elle pas dangereuse ? Elle soupira. Si elle voulait rester au sein de la guilde, il n’y avait pas réellement le choix et rien ne disait que tout tournerait toujours mal. Il lui fallait garder espoir.

Codage par Libella sur Graphiorum

La façon de parler du garçon était bien désagréable. Elle était incompréhensible pour Tiana, ou plus exactement, elle ne comprenait généralement qu’une vague idée de ce que pouvait bien vouloir signifier ses mots argotiques. Ne pouvait il pas dire bonjour et ça va comme tous le monde ? Ce devait être une catastrophe quand il se retrouvait confronter à des personnes un peu plus attachées à l’étiquette et la politesse. Cette idée ne la fit pas moins sourire. Elle n’était pas une grande adoratrice des riches bourgeois coincés, même si elle venait d’une famille de ce type.

« Ca va. Je suppose que c’était ça la question ? » elle n’en était même pas sûre. Cela signifiait peut être, pour ce qu’elle en savait, autre chose ou avait un double sens. Toujours est il qu’il accepta, et décréta n’avoir besoin que de sa planche et de son sac. C’était bien là tout le charme du personnage : surprendre en étant le seul rigolo à se promener avec une planche de surf même en plein désert. Ce ne devait pas être très pratique à transporter.


« Au Nord-est de Pergrande. A une bonne journée de voyage. »

Pergrande était un vaste royaume, voyager prenait bien plus de temps alors que la destination semblait si proche sur une carte. Mais depuis qu’ils étaient là, Tiana avait appris que ce n’était là qu’une illusion due à sa méconnaissance de cette partie du monde. Elle s’était égarée, perdue, trompée de chemins à bien des reprises et malgré toutes les missions qu’elle avait accompli, elle n’avait qu’à peine vu un millième de ce que ce pays avait à offrir.

« Tu connais un peu le coin ? » demanda t elle, se disant que le service courrier devait généralement avoir plus l’occasion d’apprécier un endroit que des mages pressés d’accomplir leur mission et repartir pour une autre, car le travail était immense et infini. Elle chassa un insecte de son bras d’un geste fluide, arrêta sa main et jeta un regard au garçon. Elle ne l’avait jamais vu à l’oeuvre. Depuis que leurs guildes avaient fusionnés, elle ne l’avait jamais vu en dehors de cette pièce, partir pour le terrain. S’il se figeait devant l’ennemi, elle en aurait la surprise car elle n’allait pas lui demander comment il réagirait. La question serait bizarre, dérangeante, offusquante.

« Bien, dès que tu es prêt, on pourra y aller. Je te laisse prévenir que tu t’absente ? »

Sitôt la réponse, elle partit se préparer, rassemblant ses affaires dans un sac. De quoi se changer, de quoi manger. Chaque fois qu’elle préparait son sac, elle faisait un étrange constat : elle n’avait rien, aucun objet précieux, aucun qui lui évoquait un souvenir. Sa vie était comme ce tiroir où reposait des chaussettes : vide. Elle passa une cape retenue par une fibule sur ses épaules, gris foncé, et descendit les marches, un sac jeté sur l’épaule, le regard fermé. Elle ignorait ce que cette mission lui révélerait du pays, sur ce membre de guilde qui l’accompagnerait, sur elle même, et quelque part elle n’était pas certaine de vouloir connaître la réponse. Elle s’arrêta dans le hall, regarda les mages qui allaient et venaient, souriant, plaisantant, discutant. Etait ce chez elle ? Blue Pegasus l’avait été. Elle s’y était sentie presque vivante, presque en paix. Mais ici, tout était si différent. Masaki arriva et elle lui adressa un signe de tête avant de franchir la porte et être assailli par une brise froide venant de l’extérieur. D’ici à ce qu’ils aient de la neige sur la route…

« Je propose de prendre le train pour nous rapporcher un maximum puis nous tenterons de trouver une voiture. »

Et c’est ainsi que commença un long voyage pour une destination qui n’était connue que de nom. Deux mages que rien n’unissaient partaient à l’aventure, comme d’autres, ailleurs, au même instant le faisaient, ou d’autres hier l’avaient fait et d’autres demains le feront.

Codage par Libella sur Graphiorum

La conclusion à tirer était simple : Masaki n’était pas celui qu’il fallait choisir pour incarner le rôle du guide touristique. Ses connaissances de l’environnement local le qualifiait seulement pour être l’animateur des plages mais ce n’était pas pour un bain de mer que Tiana avait choisi de faire appel à ses services.

« Bon en ce cas, je m’assurerai de partir avec une carte assez précise.  » conclut elle avant de lui laisser le soin de prévenir de son départ, pendant qu’elle achevait les préparatifs. Ils se retrouvèrent dans le hall du quartier général de Griffon Spirit puis prirent la direction de la gare, où ils embarquèrent dans un train, non sans avoir acquis les billets requis. Ils restaient des mages d’une guilde légale, pas des fraudeurs. Mais ils ne parlèrent guère. L’échange était réduit entre eux, en partie parce que Tiana n’était pas une adoratrice des longues discussions. En partie peut être parce que le jeune garçon était un peu timide, ou ne savait pas trop comment traiter avec cette femme que personne ne pouvait prétendre vraiment connaître dans la guilde. Elle était songeuse, regardant à travers la vitre, imaginant des dragons dans les nuages, une forme bizarre qui lui rappelait un gros bonhomme en caleçon douteux, une colline… Quand un aveu de Masaki la rappela à son siège et ne la pousse à le regarder avec un sourire qui se voulait rassurant.

« Ne t’en fais pas pour ça. Il y a une première fois à tout. Lorsque j’ai effectué ma première mission, ce n’était pas pour une partie de plaisir... » . A cette époque, elle était seule, maîtrisée mal sa magie, ne connaissait pas grand-chose à la vie et ne savait pas ce qu’elle serait demain, ni même s’il y aurait un lendemain.

« Pour mener une mission t’as besoin de deux trucs : ta tête pour résoudre la situation et de tes pieds pour te déplacer. C’est exactement comme pour livrer un courrier, même si les défis ne sont pas nécessairement similaires. Enfin tu comprends l’idée : l’expérience, la force… C’est pas le plus important. » 

Elle croisa les jambes avant de préciser le contenu de la mission, rejeta sa cape de sorte qu’elle ne l’enserre plus et tombe simplement dans son dos, dévoilant ses épaules, posa les mains l’une sur l’autre sur ses genoux et entreprit d’expliquer ce qu’elle savait, ce qui aurait à faire et ce que le garçon n’avait visiblement pas tout à fait saisi.

« « Pour commencer, la mine et le minerai c’est pour moi. La mission, elle est plus là pour dire que j’ai profité du trajet pour faire quelque chose d’utile pour la guilde, et pour quelqu’un. Pour faire simple, la forme courante de ma magie prend la forme d’armes. Comme celle ci. » dit elle en invoquant une épée au pommeau sertie d’une opale noire. Elle avait laissé son esprit vagabonder, en choisir une au hasard et constater qu’elle n’avait pas choisi une arme de lumière mais une arme sombre ne l’amusa guère. Un désagrément qui ne se manifesta dans son regard que par un éclair fugace, quasiment imperceptible. Elle laissa l’épée matérialiser quelques secondes avant de la congédier. « Et le petit défaut, c’est que je dois insuffler la magie dans des armes que je forge moi même. La qualité du minerai de base est donc assez importante et autant quand j’étais à Fiore j’avais mes adresses autant maintenant... »

Elle marqua une pause, eut un haussement d’épaule où se mélanger le regret et la lassitude puis reprit.

« La mission, donc, ce n’est pas de récupérer le minerai. Je ne t’en ai parlé que parce que tu bricoles pas mal de trucs de ce que je sais… Et que t’avais donc peut être un avis intéressant à donner sur le sujet. Ou juste besoin de t’approvisionner toi aussi, éventuellement. Ce qui nous attend, c’est de venir en aide à un petit village qui fait face à des problèmes d’approvisionnement en eau. Visiblement, un groupe s’est installé en amont d’une rivière et pose des difficultés. Polution, nuisance… Donc où on y va sans prendre de gants et on les explose, au risque de commettre des erreurs et de se faire défoncer nous même, ou bien on y va plus délicatement et on voit ce qu’on peut faire avec nos deux têtes quand nous serons sur place. »

Codage par Libella sur Graphiorum